En ce qui concerne votre cancer, le choix des informations à divulguer au travail relève de votre décision. Pour commencer, il vous faut savoir que vous n’avez aucune obligation à ce sujet. Par exemple, lorsque vous revenez à la suite d’un traitement, vous pourriez très bien dire que vous avez dû régler un problème de santé. À chacun des deux choix (en parler ou non) correspondent des avantages et des inconvénients. Pour en savoir plus sur le sujet, consultez cette page, rédigé par des membres de l’équipe de Cancerettravail.ca.
Certains passages sont inspirés de Disclosing Your Cancer Experience at Work (PDF, en anglais) de Maureen Parkinson, conseillère en réadaptation professionnelle à la BC Cancer Agency de Vancouver, publié dans Abreast in the West au printemps 2005.
Vous pouvez décider de parler de votre cancer ou de tout autre détail associé en fonction de vos besoins personnels, que ce soit pour obtenir des mesures d’adaptation au travail ou tout simplement du soutien émotionnel.
Si, par exemple, vous avez besoin d’arrêter le travail à cause de la maladie, rien ne vous oblige à parler de votre cancer à votre employeur. Toutefois, vous devrez lui donner un minimum d’information pour appuyer votre demande. Il suffira d’un billet du médecin confirmant votre incapacité à travailler et à effectuer vos tâches régulières pour des raisons médicales. Si possible, il devra préciser la durée de l’absence. Votre médecin n’est pas non plus tenu de divulguer votre diagnostic; il lui suffit de préciser que le motif de votre incapacité a un lien avec votre santé.
À votre retour, toutefois, votre employeur aura le droit d’être informé des restrictions et limitations fonctionnelles concernant le travail. Il pourrait très bien vous demander le contexte ou des explications à ce sujet. Mais tout ce que vous pourrez dire au-delà du strict nécessaire dépendra du milieu de travail, de la culture de l’entreprise, de votre relation avec vos superviseurs et vos collègues, de la façon dont vous vous sentez et de votre vision de la situation. La divulgation d’informations sur votre cancer peut être à votre avantage comme à votre désavantage. Vous seul êtes en mesure d’évaluer les risques, et de décider comment user de ce pouvoir1. Certains facteurs de décision sont présentés plus bas, ainsi que les ressources et les stratégies pour vous aider à faire votre choix.
Le pouvoir de divulgation : Les avantages
Obtenir le soutien émotionnel dont vous avez besoin. Il se pourrait que vous ressentiez le besoin de parler au travail de votre maladie ou de ses répercussions. L’échange avec des collègues proches leur donne l’occasion de manifester leur inquiétude et de vous soutenir émotionnellement, surtout s’ils sont également confrontés à une maladie ou à un handicap. Ils pourront également comprendre que les conséquences du cancer et du traitement ne sont pas toujours visibles, comme la fatigue générale, le brouillard de la chimio ou d’autres effets imprévisibles. Votre démarche aura aussi pour effet d’informer vos collègues qui ne sont pas dans votre situation, ainsi que de les aider à comprendre vos difficultés et ce qu’ils peuvent faire pour faciliter votre retour au travail.
Obtenir les mesures d’adaptation dont vous avez besoin. Souvent, l’employeur et les superviseurs sont touchés que vous les mettiez au courant, ce qui les aide aussi à mieux comprendre leurs obligations en matière d’adaptation du lieu de travail. Ils pourront alors envisager un horaire flexible, garder un poste ouvert ou prendre toute autre mesure d’adaptation pour favoriser votre sécurité ou votre productivité. Encore une fois, l’étendue des informations données ne dépend que de vous. Mais si vous ne demandez pas ni ne donnez de renseignements sur les mesures d’adaptation qu’il vous faut, votre employeur ne sera pas tenu de s’adapter à vos limites physiques. Votre superviseur n’a pas besoin de connaître les moindres détails de votre maladie, mais uniquement la manière dont le cancer et son traitement peuvent vous gêner dans vos tâches. Selon la loi, tout employeur qui connaît ou est censé connaître le besoin d’adaptation doit prendre des mesures au profit de l’employé handicapé, à condition toutefois qu’elles ne constituent pas un préjudice injustifié pour l’entreprise.
Obtenir du soutien de votre employeur. L’employeur mis au courant peut vous aider à transmettre le message à vos collègues pour s’assurer de leur coopération, tout en ne divulguant vos renseignements personnels qu’avec votre autorisation. Ses réactions pourront également être un bon indicateur pour décider de l’information à divulguer aux autres employés. L’employeur ou le superviseur peut vous aider à établir la manière dont vous aimeriez être accueilli au travail et à vous préparer à répondre aux questions éventuelles.
Éviter les malentendus avec vos collègues. En mettant vos collègues au courant, vous réduirez les risques de malentendus ou de rumeurs pouvant découler de vos absences, de vos changements d’humeur ou de votre comportement. Dans le cas contraire, vous pourriez avoir à lutter pour garder bonne contenance, ce qui ne fera qu’aggraver votre stress2. Le fait de parler de votre situation réduira ce stress1.
Expliquer à vos collègues comment vous soutenir. Dès que vos collègues sauront ce que vous devez affronter, vous serez en meilleure position pour leur parler de vos besoins, et ils seront mieux placés pour comprendre comment vous aider. Non seulement vous serez mieux en mesure d’organiser l’adaptation dont vous avez besoin, mais tout le monde sera plus à l’aise.
Le pouvoir de la divulgation : les risques
Un milieu de travail indifférent. Il existe toujours un risque de vous heurter à de l’indifférence. Si vous avez le sentiment que vos collègues ne vous appuieront pas ou s’ils ne sont pas portés à aider les personnes malades ou handicapées, vous pourriez hésiter à les mettre au courant.
Le risque de discrimination. Il existe aussi un risque de discrimination au travail (subir un traitement injuste à cause d’une différence, faire l’objet d’une surveillance plus étroite que les autres employés, etc.), avec possibilité de rétrogradation ou même de licenciement3. Il se peut que vos superviseurs et vos collègues ne réalisent pas qu’au Canada, plus de 63 % des malades du cancer survivent au moins cinq ans après le diagnostic4 et 62 % reprennent le travail5.
L’atteinte à la vie privée. Il existe un risque réel d’atteinte à la vie privée. Peut-être craindrez-vous d’être injustement comparé à d’autres survivants qui récupèrent plus vite1, ou encore d’être considéré ou traité différemment par vos collègues. Vous préférerez peut-être éviter les conseils non sollicités, agaçants ou d’aucun secours sur les possibilités de guérison. Si ces questions vous inquiètent, la meilleure défense consiste à prévoir exactement ce que vous voulez dire et à qui, et de limiter les informations au strict nécessaire6.
Le pouvoir de la divulgation : les ressources
Un collègue de confiance.
Peut-être avez-vous déjà un collègue qui a souffert d’une maladie grave, quelqu’un qui vous comprend et qui peut vous parler des questions de divulgation et des conséquences associées2. Il s’agit sûrement du meilleur point de départ pour vous exercer à expliquer votre situation, en se servant de son expérience et de ses conseils pour décider de la manière d’aborder le sujet avec les autres. N’oubliez toutefois pas que chaque cas est différent, qu’il peut être plus difficile d’expliquer certaines maladies ou blessures que d’autres, et que tout repose sur l’état de vos relations avec vos collègues.
Un représentant syndical. Si vous êtes syndiqué, il se peut que votre délégué possède une expérience de la divulgation et soit en mesure de vous conseiller. Il pourra aussi vous expliquer vos droits, notamment en matière de confidentialité, ainsi que ceux prévus par votre convention collective. De plus, il pourra parler en votre nom à votre superviseur ou au service des ressources humaines.
Des spécialistes en invalidité de l’assureur ou du milieu de travail. Le personnel infirmier en santé du travail, le gestionnaire en matière d’invalidité ou le conseiller en assurance de votre lieu de travail peuvent aussi vous fournir des conseils ou des avis précieux.
Le représentant des ressources humaines. Les membres du service des ressources humaines pourront probablement vous informer sur les responsabilités de l’employeur en matière de confidentialité, d’adaptation en cas d’invalidité et de non-discrimination. Ils sont les mieux placés pour encadrer votre superviseur concernant ces sujets.
Les groupes de défense des droits de la personne, le conseiller juridique. Si vous pensez que votre milieu de travail ignore vos problèmes ou que vous faites l’objet de discrimination, pensez à consulter votre organisme provincial des droits de la personne, voire un avocat. Avec des conseils juridiques professionnels, vous serez à même de clarifier la question et peut-être même d’entamer des procédures.
Des conseillers de votre hôpital ou de la communauté. Des conseillers vous aideront à faire la distinction entre les craintes non fondées et les préoccupations réelles entourant le retour au travail. Il peut aussi être profitable de partager votre expérience et des idées avec d’autres patients.
Des survivants faisant partie de vos amis, de votre famille ou autres. Il est très probable que vous repensiez à des amis, des proches ou même des personnes que vous avez rencontrées et qui ont vécu des histoires semblables à la vôtre. Il serait non seulement très utile mais aussi opportun d’en prendre connaissance.
Le pouvoir de la divulgation : stratégies et listes de vérification
L’évaluation de la situation. La présence et la portée de la divulgation dépendent de nombreux facteurs, notamment de vos besoins en matière d’adaptation ou de sécurité au travail, de votre inquiétude concernant votre vie privée et de la confiance que vous accordez à vos employeurs et à vos collègues7. Il vous faut décider ce que vous devez ou voulez divulguer, comment vous y prendre, à qui et jusqu’à quel point. La nature des informations divulguées changera en fonction des circonstances. Parfois, vous aurez à expliquer que vous faites face à des problèmes non visibles, mais qui nécessitent une adaptation, comme la fatigue, des déficiences cognitives, la douleur chronique ou la détresse psychologique. Vous pourriez aussi parler des effets visibles, comme la chute de cheveux, la faiblesse des membres ou l’amaigrissement extrême. Ce que vous direz dépendra de l’évolution du cancer et du traitement.
Le moment. Si le stress associé au diagnostic vous nuit au travail ou si le cancer et le traitement vous empêchent de bien faire vos tâches ou menacent votre sécurité, il serait bon d’en informer votre superviseur (voir notre article sur les droits de la personne). Vous pourriez le faire avant de vous absenter pour votre traitement ou vos rendez-vous médicaux, lorsque le traitement a modifié votre apparence ou réduit votre rendement, ou quand vous constatez des changements qui touchent votre travail.
La méthode. Le choix de la méthode employée pour parler de votre maladie ou de ses répercussions sur le travail dépend vraiment de chacun. Vous pouvez le faire en personne, par téléphone, ou encore par l’intermédiaire d’une tierce personne. Auparavant, vous devez toutefois penser à ce que vous allez dire7. Ici encore, vous n’avez pas besoin de vous perdre dans les détails. Tenez-vous-en au nécessaire, en fonction de la confiance accordée à votre interlocuteur.
La manière d’aborder votre employeur. Comme nous l’avons vu plus haut, il est important que votre employeur reçoive les bonnes informations au bon moment. Si vous prenez des congés, il aura besoin d’une attestation du médecin qui explique que vous souffrez d’un problème de santé nuisant à vos capacités professionnelles, donne une estimation de la période d’absence ou indique une date de réévaluation. Bien que vous ayez le choix des informations divulguées sur la maladie et son traitement, vous devez signaler toutes vos limitations ainsi que les mesures d’adaptation dont vous pourriez avoir besoin. Il est possible de formuler ces demandes de manière positive, en disant, par exemple : « Je me fatigue plus vite et j’ai besoin de pauses. Elles m’aident à récupérer pour être plus productif ». Comme nous l’avons mentionné précédemment, le but ne se limite pas à obtenir des mesures d’adaptation et la compréhension dont vous avez besoin. Il s’agit aussi de mettre votre employeur de votre côté afin qu’il communique avec vos collègues et parle en votre nom.
La manière d’aborder votre employeur. Ici, encore, il est naturel de commencer par les collègues avec qui vous vous entendez bien et qui sont susceptibles de vous soutenir. Vous pourrez ainsi tâter le terrain et voir comment vous réagissez, afin de mieux vous préparer et d’être plus concentré lorsque vous parlerez à des personnes moins proches. À ces dernières, il est toujours préférable de ne dire que ce qu’elles ont besoin de savoir. Les collègues avec qui vous travaillez directement auront probablement besoin d’un minimum d’informations pour faciliter l’adaptation. Ces mêmes informations seront inutiles à des employés moins proches de vous. Nous insistons sur le fait que vous n’êtes en rien tenu de parler de votre état de santé à tous vos collègues, et encore moins à ceux dont vous ne vous sentez pas proche7. Parallèlement, il ne faut pas oublier que chacun a sa propre vision du cancer, et que vos collègues pourraient avoir du mal à comprendre ce que vous traversez. Source : Parkinson, Maureen. 2014. Cancer and Returning to Work: A practical guide for cancer patients (2e éd.). Vancouver, BC Cancer Agency. Il se peut que vous deviez faire parfois faire preuve de diplomatie. Si vous vous sentez tenu de donner certaines informations, peut-être par politesse, soyez bref tout en ménageant vos collègues. Si vous n’avez pas envie de parler de votre cancer, vous pourriez aussi dire : « Merci beaucoup de vous informer de mon état. Ça me touche beaucoup. Tout ce que je veux maintenant, c’est reprendre le travail et ne plus y penser. Ça vous dérangerait qu’on en parle pas pour le moment? »1. Enfin, si vous avez l’impression de faire l’objet de discrimination de la part de vos collègues, vous devriez d’abord en parler avec votre employeur ou votre superviseur, qui est chargé de régler ce genre de problème. Cliquez sur ce lien pour savoir comment gérer ces situations1
Liste de vérification pour la divulgation d’information
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Le besoin d’adaptation et les risques pour la sécurité
- Devrez-vous changer d’emploi ou de lieu de travail pour maintenir votre productivité?
- Serez-vous en danger si certaines mesures d’adaptation ne sont pas prises?
La culture d’entreprise
- Comment d’autres employés qui ont parlé de leur maladie ou de leurs difficultés à travailler une fois malades ont-ils été traités?
- Comment la nouvelle risque-t-elle d’être reçue?
- S’agit-il d’une équipe amicale et très unie ou au contraire guindée et très axée sur les résultats?
- Les différences entre les employés sont-elles bien accueillies?
- Les employés handicapés sont-ils respectés et totalement inclus?
- Avez-vous l’impression que des employés ont tendance à se moquer des gens malades ou handicapés?
- Quel type de relations entretenez-vous avec vos collègues?
- Ces relations faisaient-elles l’objet de tensions avant votre diagnostic?
- À qui faites-vous assez confiance pour lui parler de sujet personnels sans qu’il colporte des potins?
- Entretenez-vous une relation de soutien et de respect mutuel avec votre superviseur?
- En cas de changement de direction, votre relation avec votre nouveau superviseur serait-elle également marquée par le respect et le soutien?
Les politiques au travail
- Votre organisation a-t-elle établi des politiques et des pratiques pour aider les travailleurs malades ou blessés à reprendre le travail?
- Votre organisation possède-t-elle une politique d’adaptation?
- Votre organisation possède-t-elle une politique de diversité?
Vos préférences
- Préférez-vous ne pas parler de votre vie personnelle au travail?
- Pensez-vous plutôt qu’il est préférable d’informer vos collègues?
- Vous sentez-vous assez à l’aise pour parler de la situation?
Pour d’autres questions, lisez ce billet de blogue. Notez toutefois que les lois mentionnées sont celles des États-Unis et qu’elles ne s’appliquent donc pas aux Canadiens.